ISO 45001 : faut-il normaliser la santé et la sécurité au travail ?
L'élaboration de la norme ISO 45001 ne s'est pas faite dans l'unanimité
Cette norme a une vocation internationale et universelle, et c'est donc le même référentiel ISO 45001 qui devra s'appliquer dans des pays qui peuvent être déjà très impliqués sur les sujets de santé et de sécurité au travail, et dans d'autres qui se situe très loin de ces notions.
Ces différences de maturité sont souvent repris pour dire qu'un pays comme la France sera bien moins impacté que des pays avec un niveau social moins élevé. Au delà de ces aspects temporels ou géographiques, c'est surtout des préoccupations de méthode et de stratégie qui ont générés des oppositions plus virulentes, en particulier venant du COCT (Conseil d'Orientation sur les Conditions de Travail) en 2016. En résumé, leur position est d'utiliser la norme pour les aspects techniques de la santé et la sécurité au travail (SST), et laisser le dialogue social, la règlementation, le droit du travail pour le management de la SST. Un point esentiel point concerne la primauté des principes de l'OIT (Organisation Internationale du travail). Enfin une question légitime concerne les entreprises ou les organisations de petite, voire de très petite taille : pourront-elles investir dans une démarche qui peut apparaître comme démesurée au premier abord ?
Enfin nous concluerons ce sujet par la position d'ACTIS E&P - Ergonomie Participative sur les liens possibles entre l'ergonomie et la norme ISO45001
Une norme pour les aspects techniques : oui, pour le management de la santé au travail : non
Dans un communiqué de 2016, le COCT (Conseil d'Orientation sur les Conditions de Travail) précise que les normes relatives aux machines, aux équipements, aux lieux de travail ont un fort effet multiplicateur et permettent en pratique de réduire les risques professionnels. Par contre, le management de la santé au travail fait intervenir à la fois la règlementation et au droit social, spécifique à chaque pays, et du dialogue social, qui est le résultat d'une histoire propre à chaque pays. Le management de la santé comporte des dimensions humaines et sociales essentielles, et ne peut pas se ranger parmi les activités qui se prêtent à la normalisation.
Que deviennent la réglementation et le dialogue social pour le management de la santé au travail ?
Toujours d'après le COCT, la
procédure d'élaboration de la norme ne comporte pas les
garanties qui s’attachent à la production réglementaire et au dialogue
social, et la légitimité et la représentativité des parties prenantes
n'est pas assurée. Ensuite, dire que la norme est d'application volontaire
revient à ignorer la réalité de prescriptions liées aux chaînes
d’approvisionnements, à la commande publique et aux exigences légales de
'reporting' des grandes entreprises pouvant impliquer une obligation de fait
d’appliquer la norme pour les sous-traitants, alors même que l’accès aux normes
est onéreux. Le COCT y craint avant tout une menace pour l’application des règles
relatives aux conditions de travail portées par des sources de droit.
Et comment
s'assurer de la mise en œuvre effective des principes prévus par la norme ? Il
existe peu de garanties et évidemment moins que dans le cas d’une
réglementation soumise au contrôle de l’administration et du juge. Quant à la certification, elle n'assure pas le respect du droit sur le
fond.
Le respect des principes de l'OIT
Contrairement à l'ISO 9001 (Qualité) et de l'ISO 14001 (Environnement), les deux autres normes du triptique HLS (High Level Structure), l'ISO 45001 est venue normalisée le terrain de la santé et de la sécurité du travail qui était déjà largement balisé - et depuis longtemps - par différents strates de principes et de règlementations : celles de l'OIT (Organisation Internationale du travail), celles des réglementations (droit du travail, conventions collectives), voire également la normalisation (normes techniques). Les réticences constatées lors des premières lectures du projet ont été ensuite levées, et la primauté du respect des principes de l'OIT sont explicitement rappelés dans la norme.
L'ISO 45001 est-elle adaptée au TPE et aux PME ?
Les grandes entreprises sont déjà organisées sur les thématiques de santé et de sécurité au travail, avec des services dédiés (HSE, QSE, ...), avec également la présence de personnel de santé au travail (infirmière, voire mèdecin du travail) , avec des structures règlementaires (CSE : Comité Social et Economique , ex CHSCT). La réalité de la santé et la sécurité au travail est plus difficile dans les entreprises de taille plus faible, et les démarches sont réduites à la portion congrue (les aspects strictement règlementaires : voire paragraphe précédent), voire inexistantes: il n'est pas sûr que ces entreprises trouvent l'opportunité de mettre en place une telle démarche. Sauf peut-être si l'investissement est jugé satisfaisant ...
Au niveau européen, des réticences avaient été également émises vis à vis du projet par le Comité Consultatif sur la Santé et la Sécurité au travail. Elles portaient sur "l'illusion que la norme pouvait donner sur la santé et la sécurité au travail", et la génération d'une charge administrative importante, qui sera particulièrement préjudiciable aux TPE/PME.
ACTIS E&P - Ergonomie participative se positionne sur la norme ISO45001
Nous comprenons et partageons beaucoup de commentaires et de craintes sur les risques de "normaliser le travail". Comme ergonome, nous sommes toujours attentif et vigilant à ramener le travail à des grandeurs mesurables et toujours évaluables par rapport à des référentiels toujours partisans et orientés.
Nous envisageons la norme ISO45001 comme une opportunité d'apporter l'ergonomie dans les démarches de santé et de sécurité initiées dans les entreprises, afin que le travail - sa réalité dans toutes les dimensions - y soit pris en compte.
Pour celà, nous proposons plusieurs solutions où la démarche ergonomique et les outils associés sont sollicités pour :
- l'évaluation des risques,
- la mise en place d'un processus d'amélioration continue de la santé et de la sécurité au travail,
- pour développer les démarches participatives depuis l'évaluation jusqu'à la mise en place des solutions.
Nous avons également travaillé pour répond aux exigences de la norme pour les projets et les démarches de conception afin que les projets intègrent au plus tôt les facteurs humains : nous développons ce sujet dans notre site consacré à la Conception Participative